Jeudi 25 Septembre 2025
La durabilité du secteur numérique s'établit comme un impératif stratégique pour les institutions de régulation, les sociétés commerciales et, de manière plus générale, l'ensemble de la société. L'étude annuelle "Pour un numérique durable" de l'Arcep présente un bilan détaillé des conséquences environnementales de ce domaine en France. Ce rapport, apprécié par la Banque mondiale et l'Union internationale des télécommunications, demeure à ce jour une initiative novatrice parmi les organismes de régulation sectoriels.
Basée sur les chiffres de 2023, l'édition 2025 de l'étude de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse s'appuie sur les informations fournies par les exploitants de centres de données, les producteurs de terminaux, les opérateurs de télécommunications et, pour la première fois, les fournisseurs d'équipements pour les réseaux mobiles.
En utilisant le protocole GHG, l'étude de l'Arcep évalue les émissions directes (scope 1) et indirectes liées à l'énergie électrique (scope 2), sans inclure pour le moment le scope 3, dont l'évaluation est plus complexe. Même partielle, cette approche met en évidence des tendances nettes : l'expansion des centres de données, la dépendance énergétique des réseaux mobiles, et l'incidence prépondérante des terminaux.
Centres de données : une incidence en forte augmentation
Les exploitants de centres de données figurent parmi les acteurs les plus surveillés. L'Arcep en dénombre actuellement 21, représentant environ la moitié du marché de la colocation en France. Leurs infrastructures hébergent une proportion croissante des usages numériques, notamment ceux liés à l'IA générative.
Les résultats sont clairs : la consommation d'électricité du secteur continue de croître, avec une augmentation en 2023 de près de 8 %. Les émissions de gaz à effet de serre, principalement liées à l'électricité, augmentent d'environ 10 % par an pour la deuxième année consécutive. La consommation d'eau, essentielle au refroidissement, croît quant à elle de 19 % : 681 000 m³, en majorité d'eau potable, ont été prélevés.
Ces évolutions reflètent la tension entre une amélioration de l'efficience énergétique, le PUE moyen passant de 1,51 à 1,46, et une expansion continue des capacités informatiques.
Réseaux télécoms et équipements mobiles : des usages toujours plus gourmands en énergie
Du côté des opérateurs télécoms, les émissions de gaz à effet de serre continuent de progresser (+4,2 % sur un an), en contradiction avec la diminution globale des émissions en France. Les réseaux mobiles concentrent une grande partie de cette progression, tandis que les réseaux fixes affichent une baisse de consommation grâce à la généralisation de la fibre optique, quatre fois plus efficace que le cuivre.
Les équipements de réseaux mobiles vendus en France en 2023 ont généré 79 000 tonnes équivalent CO₂, soit l'empreinte de près d'un million de smartphones.
Les résultats indiquent que les émissions "embarquées" des stations de base des équipementiers sont significatives : l'empreinte carbone d'un site 5G en bande 3,5 GHz est estimée à 80 % de plus que celle d'un site sans cette bande. En d'autres termes, les choix technologiques influencent directement l'impact environnemental des infrastructures.
Les équipements côté clients demeurent également un poste important. Le parc de box et décodeurs consomme 3,5 TWh, soit cinq fois la consommation des réseaux fixes eux-mêmes. La généralisation des modes de veille profonde et l'écoconception apparaissent comme des leviers encore insuffisamment utilisés.
Terminaux numériques : moins nombreux, mais plus consommateurs
Les terminaux (smartphones, tablettes, ordinateurs, téléviseurs) concentrent environ la moitié de l'empreinte carbone du numérique. Près de 42 % des émissions sont générées dès la fabrication. Les données collectées par l'Arcep indiquent une baisse notable du nombre d'appareils mis sur le marché, tous types confondus, ce qui pourrait contribuer à réduire l'empreinte du secteur.
Cependant, cette tendance est atténuée par l'augmentation de la taille des écrans. Un téléviseur de plus de 70 pouces consomme six fois plus qu'un modèle inférieur à 33 pouces. Le marché évolue donc vers des équipements qui, individuellement, ont un poids plus important en phase de fabrication comme en phase d'utilisation. À terme, l'arrivée de nouvelles fonctionnalités intégrant l'IA pourrait stimuler un renouvellement prématuré des terminaux, accentuant encore leur empreinte.
En prévision de sa prochaine édition, l'Arcep étend cette année sa collecte de données aux équipementiers de réseaux fixes fabriquant des câbles en fibre optique.