Jeudi 22 Mai 2025
3 %. Voila ce que représente (déjà !) la proportion du flux web engendré par les IA comme ChatGPT (86 %) et DeepSeek (3 %) par rapport aux moteurs de recherche classiques.
Cette étude de OneLittleWeb (avril 2025) met en évidence que, bien que nous soyons encore au début de l'adoption, l'utilisation des IA est probablement ce qui a le plus de chances de fragiliser les GAFA, plus que les réglementations (et les litiges associés). Cette nouvelle manière d'utiliser le web relance la partie concernant les grands monopoles technologiques.

Et pour cause, la recherche habituelle, avec son défilement, ses liens bleus et les clics qui en découlent, s'estompe graduellement au profit des moteurs de réponse. Cela peut paraitre insignifiant, mais c'est en définitive l'ensemble du système sur lequel les GAFA se sont construits qui est aujourd'hui remis en question. Là où l'on effectuait une recherche sur un moteur pour l'achat d'une voiture par exemple, il fallait naviguer sur des dizaines de résultats et autant de clics sur des sites, quand l'assistant génératif donne une réponse et la recommandation adaptée directement.
La rupture ? Ces nouvelles recherches échappent à la présence publicitaire, fondement du modèle économique. Tous les éléments indiquent que ces usages continueront à se développer massivement, comme on l'a constaté dans les investissements étrangers en France l'année dernière dans le baromètre EY de l'Attractivité, où l'IA est un des secteurs qui comptabilisent le plus de projets ou encore les milliards annoncés à Choose France – surtout orientés sur la capacité (data centers) à opérer en France et en Europe.
Intermédiation, vice repetita ? Si les GAFA ont intermédié les médias, nous n'avons jamais été aussi proche qu'ils le soient à leur tour. Dans un nouveau monde où les boomers continueront peut-être à utiliser uniquement la recherche traditionnelle, les nouvelles générations uniquement le génératif et les générations intermédiaires un peu des deux usages… Le modèle des géants est bouleversé. Pourquoi ? Ils ont fondé leur business sur un déploiement mondial et unique de produit ou service où « faire de la dentelle » n'existe pas ou peu, à l'exception peut-être de la variable tarifaire adaptée au pouvoir d'achat du pays où ils opèrent. Devoir concevoir, exploiter et maintenir de nouveaux systèmes, gourmands en infrastructures et en investissements, tout en conservant les anciens pour répondre à cette « générationnalisation » du web est plutôt contre nature.
Mais il est certain que les géants vont se battre pour ne pas voir partir usages et données, cœur de leur réacteur. L'annonce du déploiement généralisé d'AI Overview faite à la conférence développeur I/O en est l'illustration parfaite : elle n'annonce pas la mort de sa poule aux œufs d'or mais un premier moyen d'essayer d'éviter la fuite des usages sans modifier en profondeur son interface de recherche traditionnelle et continuer ainsi de démontrer aux annonceurs que son inventaire publicitaire est toujours le plus attractif.
Satisfaire, sur un marché fragmenté, plusieurs usages et générations en une plateforme n'est-il pas un trop grand écart ? C'est peut-être le passage nécessaire (rappelons que nous sommes encore en bas de la courbe d'adoption) avant que les usages ne changent complétement et pouvoir à terme, propulser Gemini, l'assistant génératif de Google.
Un modèle économique à trouver. Outre la question du coût environnemental et du nombre de litres d'eau par requête, une autre grande question demeure : quel modèle économique derrière les moteurs d'IA générative ? Les abonnements ont été le premier levier mais force est de constater que le modèle n'est pas rentable pour les moteurs grand public. Est-ce que la publicité refera son apparition dans les résultats de réponses ? C'est une forte possibilité. Quand je chercherai mes nouvelles sneakers, les annonceurs payeront peut-être pour figurer dans les trois premières réponses voire pour être la marque suggérée ?
Une chose est sûre, tant que le modèle économique n'est pas trouvé et que la nouvelle interface IA générative pas entièrement arrêtée, la place est grande ouverte pour les nouveaux entrants…et pas que pour les géants de la Tech, mais aussi pour les marques fortes qui pourraient lancer leur IA agentique. Une façon d'arriver en tant que spécialiste, proposer une valeur ajoutée et une finesse de réponse qui dépasse celle des IA généralistes. Évidemment, une façon de retrouver ce que les modèles propriétaires et non interopérables des GAFA ne pouvaient plus permettre : réintermédier en ligne sa relation avec le client, pour être le point de contact unique et collecter de nouveau de la donnée utile précédemment laissée aux moteurs de recherche et autres grands réseaux sociaux.