Jeudi 25 Septembre 2025
ActuIA a échangé avec Jean-Marie Saint-Paul (Siemens) et François Weiler (Altair) afin de saisir les tenants et aboutissants de l'union entre les deux entités. Cet échange met en lumière la stratégie logicielle de Siemens, les ambitions européennes concernant l'intelligence artificielle appliquée à l'industrie, ainsi que la complémentarité technologique des deux organisations.
L'alliance entre Siemens et Altair a été rendue publique récemment. Pourriez-vous nous éclairer sur les détails de cet accord ?
Jean-Marie : Cette collaboration s'inscrit dans la stratégie initiée par Siemens il y a une vingtaine d'années, dont l'objectif est de s'imposer comme un acteur majeur dans le domaine des logiciels industriels. Siemens, une entreprise technologique présente depuis près de 180 ans, est aujourd'hui le leader mondial de l'automatisation industrielle. Altair, reconnu pour son expertise en simulation et en intelligence artificielle, vient parfaire cette vision. Ensemble, nous consolidons notre offre logicielle pour proposer une continuité numérique allant de la conception à la production.
Pourquoi avoir choisi Altair en particulier ?
François : Altair atteignait une phase où il devenait difficile de progresser seul. Dans un contexte de compétition mondiale, rejoindre Siemens offrait un accès à davantage de ressources, une meilleure visibilité et une plus grande stabilité. C'est aussi un choix motivé par la culture technologique de Siemens, qui partage avec nous une approche sincère et ouverte de l'innovation.
Jean-Marie : Avant cette acquisition, Siemens réalisait près de 8 milliards de dollars de chiffre d'affaires dans le secteur des logiciels, ce qui nous positionnait déjà parmi les leaders mondiaux. L'arrivée d'Altair nous permet de compléter notre offre avec des technologies de pointe en matière de simulation et d'IA.
Quelles complémentarités technologiques identifiez-vous entre les deux structures ?
François : Deux axes principaux : la simulation et l'intelligence artificielle. Altair est reconnu pour la simulation en mécanique, en électromagnétisme et en matière de procédés. Siemens est leader dans les domaines de la mécanique des fluides et de la simulation système. Ensemble, nous constituons une base technologique solide, couvrant l'ensemble du cycle de vie industriel.
Jean-Marie : Cette alliance fait de nous le numéro deux mondial de la simulation. Nous partageons également une vision commune d'ouverture : nos plateformes sont interopérables avec les principaux formats de CAO et PDM du marché, ce qui est rare dans l'industrie.
En matière d'intelligence artificielle, quelles perspectives cette union ouvre-t-elle ?
François : Altair apporte RapidMiner, notre plateforme d'analyse de données et d'IA. Siemens est quant à lui le premier déposant de brevets IA en Europe. Il s'agit d'une IA industrielle, intégrée de manière diffuse dans les équipements, les logiciels et les automates.
Jean-Marie : Chaque jour, environ 10 000 automates Siemens sont déployés dans le monde. Ces équipements génèrent d'énormes volumes de données – des pétaoctets par jour. L'enjeu est de transformer ces données en intelligence, grâce à des algorithmes embarqués, adaptatifs et sécurisés. Nous travaillons sur des modalités industrielles, c'est-à-dire des représentations adaptées aux usages et aux objets techniques.
Comment vous positionnez-vous sur les enjeux de souveraineté ?
Jean-Marie : Siemens est une entreprise européenne, attentive à la souveraineté numérique. Cela change la donne vis-à-vis des clients, notamment dans les discussions autour de l'IA Act, du cloud et de la confidentialité des données. Nous offrons une architecture flexible, qui permet un traitement local, sur site ou distant selon les besoins.
François : C'est un vrai changement pour Altair, qui était un acteur américain. Le fait de rejoindre un groupe européen facilite notre dialogue avec les industriels du continent. La réglementation évolue vite, et notre positionnement devient un atout dans un cadre de confiance.
Et l'Europe dans tout ça ? Peut-elle jouer un rôle clé dans l'IA industrielle ?
François : L'IA industrielle est encore un terrain ouvert. Contrairement au B2C, les positions ne sont pas figées. L'Europe dispose d'un tissu industriel fort, de données riches et d'acteurs technologiques solides. Il faut mobiliser ces atouts pour ne pas manquer cette nouvelle vague.
Jean-Marie : Nous avons les infrastructures, la réglementation, l'expertise. L'IA industrielle peut devenir un fer de lance stratégique pour l'Europe, à condition d'agir vite.
Pour conclure, y a-t-il une technologie Altair que vous admiriez particulièrement ?
Jean-Marie : RapidMiner. C'est un outil puissant et accessible pour l'analyse de données. Couplé à notre maîtrise des environnements industriels, il nous permet d'accélérer le déploiement de l'IA dans les usines.
François : Ce rapprochement marque un tournant pour l'IA industrielle en Europe. Ensemble, nous avons les briques technologiques, les données, les clients et la vision. Il y a une vraie carte à jouer.