Vendredi 13 Juin 2025
La jeune pousse française Mistral AI, créée il y a seulement deux ans, vient de franchir une nouvelle étape capitale dans son expansion : elle annonce, en collaboration avec Nvidia, le lancement de Mistral Compute, une infrastructure de calcul indépendante, entièrement dédiée à l’intelligence artificielle. Cette alliance, révélée lors du salon VivaTech, concrétise les aspirations européennes en matière d’indépendance technologique.
Avec Mistral Compute, cette entreprise innovante souhaite offrir une plateforme complète aux sociétés désireuses de concevoir leurs propres applications d’IA, sans être tributaires des géants américains ou chinois du cloud. La solution englobera tous les niveaux de l’infrastructure IA : serveurs physiques, gestion logicielle, API, produits et environnements PaaS intégralement administrés.
Le projet repose sur une association stratégique avec Nvidia, qui fournira à Mistral environ 18 000 processeurs GPU Blackwell, parmi les plus performants – et les plus onéreux – du marché, afin d'équiper un futur centre de données de 40 MW situé dans l’Essonne. Cette puissance pourrait atteindre 100 MW à terme. L’objectif est clair : proposer une capacité de calcul de pointe tout en assurant un hébergement européen conforme aux exigences d'indépendance et de durabilité.
Ce projet se situe dans un contexte géopolitique instable. Alors que les récentes déclarations de l’administration Trump réveillent les crispations transatlantiques, l’Europe semble prendre conscience de la nécessité de construire un secteur technologique autonome. L’accord entre Mistral et Nvidia est considéré par de nombreux observateurs comme un premier pas vers une indépendance numérique européenne crédible.
« Nous ne voulons pas seulement créer des modèles d’IA, mais fournir à nos clients les outils et l’environnement nécessaire pour qu’ils développent les leurs, en toute autonomie », a affirmé Arthur Mensch, PDG de Mistral AI.
Cependant, cette ambition a un prix. D'après le Financial Times, Mistral préparerait une nouvelle collecte de fonds d’un milliard de dollars afin de financer cette croissance. Une opération essentielle, car le précédent tour de table de 600 millions d’euros avait déjà mis en évidence la dépendance aux capitaux non-européens, avec la participation de fonds américains (Andreessen Horowitz, Lightspeed, General Catalyst) et du milliardaire israélien Yuri Milner.
Cette recherche de financement souligne un paradoxe : l’Europe désire son indépendance technologique, mais a encore du mal à l’autofinancer.
Malgré ces obstacles, Mistral peut s'appuyer sur le soutien d’acteurs stratégiques. Parmi les premiers clients et partenaires du projet, on compte BNP Paribas, Orange, la SNCF, Thales, Kyutai, Veolia, Mirakl, Schneider Electric, SLB Groupe et Black Forest Labs. Ces entreprises voient dans Mistral Compute une possibilité de déployer leurs applications IA tout en assurant la souveraineté de leurs données et le respect des réglementations européennes.
Le lancement de l’infrastructure est prévu pour 2026, avec une volonté forte d’en faire un modèle en matière d’empreinte carbone réduite, grâce à l’emploi d’énergie décarbonée.
